La situation est la même dans tous les pays de l’Union Européenne.
La situation a été analysée, puis des mesures ont été édictées par une directive européenne de 1992, transcrite en droit français en 1993-94, pour entrée en vigueur progressive en 1996-97. (Directive européenne 92/57/CEE du 24 Juin 1992, transposée en droit français par la loi 93-1418 du 31/12/93 et le décret 94-1159 du 26/12/94).
Le problème est le suivant :
le Maître d’Ouvrage (le “client”) est réputé responsable en dernier ressort de la sécurité sur son chantier. Mais il est souvent incompétent par nature, surtout lorsque c’est un particulier.
Le Maître d’Œuvre (l’architecte ou assimilé) a la même responsabilité, mais il n’a ni la formation, ni l’autorité, pour imposer des mesures de sécurité.
L’Entrepreneur est responsable de la sécurité de ses propres salariés. Mais il ne maîtrise pas les salariés des autres Entreprises.
Face à toutes ces carences, il a été créé une mission spécifique, la COORDINATION SÉCURITÉ ET PROTECTION DE LA SANTÉ.
Chaque entrepreneur reste responsable, compétent, et doté d’autorité, au sujet de la sécurité de ses propres personnels et matériels.
Le Maître d’Œuvre continue à dessiner l’ouvrage à construire et à diriger le chantier.
La Maître d’Ouvrage continue à vouloir le meilleur travail au meilleur prix.
Le Coordonnateur vient “boucher les trous” entre eux, pour se préoccuper :
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des interactions entre entreprises (risques “importés” et “exportés”)
(ex. : couvreur et maçon qui travaillent ensemble sur un ravalement)
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des décisions du maître d’Œuvre qui engagent la sécurité
(ex. : le maçon ne doit pas démolir un mur lorsque le plombier est dessous)
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des dispositions dessinées par le Maître d’Œuvre si elles ont des incidences sur la sécurité des personnes, pendant le chantier, ou après.
(ex. : si le Maître d’Œuvre prévoit une grande verrière, il faut des échafaudage ad hoc pour poser les vitres, et éviter que le serrurier ne prenne un éclat dans l’œil de la part du vitrier. Il faut aussi vérifier qu’on pourra ensuite nettoyer cette verrière sans risquer à tout instant une chute mortelle).
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des accidents du travail sur le chantier.
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du cantonnement (réfectoire, vestiaire, toilettes, douches).
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Il est prévu que cette loi soit appliquée avec rigueur.
C’est au Maître d’Ouvrage de nommer un tel coordonnateur lorsqu’il est requis, faute de quoi il risque une amende de 60 000 F ou un emprisonnement d’un an.
Pourquoi une telle rigueur ? Les accidents sur chantier sont effectivement courants, et peuvent être extrêmement graves, avec des conséquences humaines terribles pour des familles entières. Ils sont comparables aux accidents de la route, mais, proportionnellement à la population concernée, ils sont infiniment plus courants.
Ceux qui ont observé des chantiers rétorqueront que ce sont souvent les travailleurs eux-mêmes qui prennent des libertés avec la sécurité.
Les mêmes travailleurs, tout en reconnaissant qu’ils exécutent les tâches de routine avec inconscience, se plaignent souvent de leurs conditions de travail.
Les chefs d’entreprises se plaignent d'un faible prix auquel ils vendent leurs prestations, ce qui ne les incite guère à investir dans la sécurité.
Les Maîtres d’Ouvrage cherchent à faire baisser les prix, et ne rechignent pas à choisir des échafaudages moins chers, à lésiner sur le coût d’une baraque de chantier, ou à imposer des cadences épuisantes génératrices d’accidents.
Les Maîtres d’Œuvre ont des préoccupations souvent très éloignées de la sécurité.
Le Coordonnateur est au cœur de ces contradictions.
En pratique :
Un coordonnateur sécurité-santé assure la coordination d’un chantier sous l’angle de :
La sécurité des travailleurs du chantier lui-même,
Et la sécurité de ceux qui seront appelés à intervenir plus tard sur l’ouvrage. (Par exemple, si l’on construit une verrière, il faut prévoir que son nettoyage quotidien ne soit pas dangereux).
Quand faut-il nommer un coordonnateur ?
Pour les chantiers de Bâtiment ou de Travaux publics concernant la structure ou le clos-couvert d’un immeuble, et réunissant au moins deux entreprises en co-activité,
Ou pour les chantiers de Bâtiment ou de Travaux publics qui comportent des risques particuliers (corde à nœud, etc.).
Quelles missions doit assumer le coordonnateur ?
Coordination au stade de la conception (identification des risques, description des moyens qui éviteront les accidents).
Coordination en cours de chantier.
Ces deux missions peuvent être assumées par la même personne.
Y a-t-il plusieurs types de chantier ? Oui :
Les chantiers qui ne requièrent aucun coordonnateur : rénovation d’appartement, ou chantiers non dangereux avec une seule entreprise, ou petits entretiens, etc.
Niveau 3 : Chantiers sans risque particulier, et réunissant au moins deux entreprises, y compris les sous-traitants.
En niveau 3, le coordonnateur doit :
Tenir un registre-journal du chantier.
Faire une visite d’inspection commune avec les entrepreneurs.
A la fin du chantier, vous donner un Dossier d’Intervention Ultérieure (par exemple, pour une verrière, indiquer comment y accéder pour la nettoyer sans danger).
Niveau 2 :
-Chantier réunissant au moins deux entreprises, y compris les sous-traitants, et durant plus de trente jours, et comportant plus de 20 hommes à un moment quelconque.
-Ou chantier réunissant au moins deux entreprises, y compris les sous-traitants, et comportant plus de 500 hommes-jours (2 hommes pendant 250 jours, ou 4 hommes pendant 125 jours, etc.).
En niveau 2, le Maître d’Ouvrage doit :
Adresser une déclaration préalable à divers organismes administratifs. (Le coordonnateur l’y aide).
En niveau 2, le coordonnateur doit :
Établir un Plan Général de Coordination.
Faire établir par les Entreprises un Plan Particulier de Sécurité et de Protection de la Santé.
Effectuer des visites de chantier.
Tenir un registre-journal du chantier.
A la fin du chantier, donner au Maître d’Ouvrage un Dossier d’Intervention Ultérieure.
Niveau 1 :
-Chantier réunissant au moins dix entreprises en Bâtiment, y compris les sous-traitants, et comportant plus de 10 000 hommes-jours (20 hommes pendant 500 jours, ou 40 hommes pendant 250 jours, etc.).
En niveau 1, en plus des opérations ci-dessus, le coordonnateur doit :
Faire réaliser les voies d’accès avant le début des travaux.
Réunir un Collège Inter-entreprises de Sécurité, Santé et des Conditions de Travail.
Qui peut être coordonnateur ? Toute personne ayant la compétence requise (en gros, dix ans d’expérience professionnelle, et une formation spécifique).
Sur un chantier précis, le Maître d’œuvre peut être le coordonnateur s’il a la compétence requise. Ce peut aussi être une personne extérieure réunissant les compétences requises.
On constate que les honoraires de coordination sont compris entre 1% et 2% du marché. Pour les petits chantiers, ce peut être un forfait.
Dans les chantiers d’entretien d’immeuble qui nous intéressent ici, qui sont généralement petits et routiniers, la coordination SPS n’a pas encore trouvé comment se placer. Certains coordonnateurs sont trop laxistes, d’autres trop sévères et bloquent inutilement des opérations, ou engendrent des surcoûts injustifiés.
Il s’agit d’un métier neuf, qui se mettra en place peu à peu. Mais, d’ores et déjà, l’important est que la sécurité soit présente sur tous les chantiers, indépendamment des intervenants traditionnels.
Source : Olivier Delalande