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LE PROCÈS de la chute de la passerelle du Queen Mary 2, dans laquelle seize personnes avaient trouvé la mort le 15 novembre 2003, s'ouvre aujourd'hui devant le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire. Au total, huit hommes sont poursuivis pour homicides et blessures involontaires. Au titre des personnes morales, les Chantiers de l'Atlantique et la société Endel, chargée de l'installation de la passerelle aux abords du paquebot géant, seront également représentés sur le banc des prévenus. Particulièrement attendu par la centaine de parties civiles constituée à ce jour, le procès du « drame de la passerelle », qui figea d'émotion une région tout entière, doit durer deux semaines. Le temps, pour les juges de démêler l'écheveau des responsabilités, dans lequel la négligence l'a souvent disputé à l'aberration.
Ce samedi-là, un millier de visiteurs est attendu à bord du paquebot de luxe en cours de finition, et les cadres de l'entreprise n'ont qu'une seule hâte : pouvoir montrer à leurs proches le fruit de trois longues années de travail. Deux salariés servent d'ailleurs de guides aux familles ; un autre groupe, composé de vingt-six employés de la société de nettoyage, s'apprête lui aussi à pénétrer dans le bateau. Tous ignorent qu'ils empruntent une passerelle d'échafaudage mise en place la veille.
À 14 h 15, alors que quarante-cinq personnes se trouvent simultanément sur la structure, celle-ci tangue, s'affaisse et cède brutalement. Côté quai d'abord. Puis côté navire. Victimes d'une chute de 18 mètres, neuf femmes et six hommes, âgés de 20 à 80 ans, trouvent la mort aux pieds du QM2. Un homme, grièvement blessé, décédera un an plus tard. Aujourd'hui encore, une trentaine de rescapés gardent les traces indélébiles de ce traumatisme. « Dans leurs cauchemars, certains se voient même encore glisser », confiait peu de temps après les faits le maire de Saint-Nazaire au Figaro.
« Déficience de conception »
Six mois après le drame, un rapport d'expertise avait mis en évidence « une déficience de conception » de la structure métallique installée pour la visite, les spécialistes précisant que la passerelle avait été fabriquée « sans études préalables, sans calculs et sans plans ». Trois équipements de ce type, présentant tous le même vice et le même danger, avaient à l'époque été livrés aux Chantiers...
Mais l'enquête devait également révéler l'étrange mode de fonctionnement des Chantiers avec ses sous-traitants, les multiples failles persistant dans l'organisation et l'affectation du personnel, mais aussi - et surtout - le manque de contrôle du matériel qui, pour l'accusation, n'était pas fait « dans les règles de l'art ». Autant d'habitudes que n'ont pas hésité à dénoncer deux agents de sécurité employés sur les Chantiers. « La sécurité, ça passait après tout le reste, a déclaré l'un d'eux. Et les visites du samedi, c'était le souk ! »
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